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L’immigration choisie : entre faux débat et démagogie

Le Ministère de l’intérieur met sur la place publique un débat concernant l’immigration dite « choisie », laissant supposer que les enjeux liés à l’immigration se jouent sur ce terrain.

Pour autant, une telle option ne peut être envisagée comme la solution miracle aux problématiques de l’immigration.

Certes, la population française, dans sa majorité, souhaite pouvoir accueillir une immigration qui réponde aux critères et aux exigences posés par nos Lois et règlements.

D’ailleurs, il serait difficile de contester le fait qu’une immigration « choisie » bénéficie davantage de chance d’insertion et d’assimilation à la population qu’elle intègre qu’une immigration imposée et subie par cette dernière.

En revanche, même si cela peut paraître surprenant, dans le contexte actuel, nous nous interrogeons sur la pertinence de légiférer en la matière.

En effet, l’immigration choisie consiste à mettre en œuvre des outils juridiques permettant de choisir les individus étrangers, plus précisément en provenance de pays tiers, auxquels nous permettrions l’entrée et/ ou le séjour en France.

Or, de tels outils existent déjà. Ils sont parfaitement rodés, efficaces et actualisés puisque la délivrance de visas, la délivrance ou le renouvellement de titres de séjours permettent aux autorités administratives de pouvoir accueillir sur le territoire national l’immigration qu’elle choisit. Ce phénomène est d’autant plus vrai que les préfets et les autorités consulaires, bras armés du pouvoir politique, détiennent entre leurs mains ces prérogatives.
Il est d’ailleurs possible, à titre d’exemple, selon une procédure bien établie, de choisir des candidats à l’immigration en fonction de leurs compétences professionnelles et de nos besoins en force de travail.
Dès lors, comme annoncé en titre, l’immigration « choisie » est un faux débat puisqu’elle est déjà prévue par notre réglementation.

Pour étayer et compléter nos propos, prenons les chiffres officiels de l’immigration publiés par le ministère de l’Intérieur pour l’année 2022 : ils mentionnent 1,7 millions de visas délivrés sur 2,3 millions de demandes, soit 500 000 demandes rejetées.

Concernant les titres de séjours, 320 330 titres ont été délivrés, sans autre précision quant au nombre initial de demandes.

Un constat s’impose : les autorités françaises ont choisi pour l’année 2022, soit par le biais des visas, soit par celui des titres de séjours accordés à des ressortissants étrangers, de faire entrer sur notre territoire 2 020 330 millions d’étrangers dont 320 330 avec un titre de séjour. Ainsi, les autorités administratives maîtrisent parfaitement les flux officiels d’immigrés ; étant précisé que seuls les flux officiels peuvent être régulés par des textes.

En présence de ces flux qualifiés d’officiels, il faut prendre en considération les flux liés à l’immigration illégale, ceux contre lesquels les textes ne peuvent pas lutter et dont les chiffres sont quasi inexistants. Les seuls chiffres publiés par le ministère font référence au nombre d’éloignements effectifs pour 2022, en l’espèce 19 819. Il faut rechercher dans les déclarations faites à la presse par Monsieur Darmanin, Ministre de l’intérieur, pour apprendre que la France compterait entre « 600 à 700 000 » clandestins.

Or, il existe des instruments permettant d’éloigner les étrangers en situation étrangère : la plus connue est l’Obligation de Quitter le Territoire Français (O.Q.T.F.) qui, assortie d’une mesure de rétention administrative ou d’assignation à résidence permet de rendre effectif l’éloignement de l’étranger visé par une telle mesure. Cependant, sur 600 à 700 000 étrangers en situation irrégulière seuls 19 819 sont éloignés, soit moins de 3%.

Lorsque les moyens légaux sont à disposition de l’exécutif mais que les résultats sont inexistants, c’est un problème de volonté politique, pas d’absence ou d’inadaptation de lois ou de règlements.

Le constat est évident :

  • La France choisit son immigration avec des critères précis grâce à un cadre légal et réglementaire défini ; donc la France pratique l’immigration « choisie ».
  • Le pouvoir exécutif dispose de moyens pour lutter contre l’immigration illégale avec la possibilité d’éloigner les individus dépourvus de titres ou d’autorisations de séjourner mais manque de volonté pour en appliquer les dispositions.

Or, les préoccupations de la communauté nationale, en ce qui concerne l’immigration, s’orientent exclusivement vers l’immigration illégale ; par conséquent, vers l’immigration qui résulte de l’inaction de l’État en matière d’exécution des mesures d’éloignements.

En conclusion, l’immigration ne devrait-elle pas se régler par l’application du droit en vigueur plutôt que par l’élaboration de nouvelles réglementations que le pouvoir exécutif se contenterait de faire voter sans les appliquer, comme c’est le cas actuellement.

Est-ce le manque de règles juridiques qui fait défaut ou le manque de courage politique ?

L’immigration choisie : entre faux débat et démagogie